La société du XXe siècle n’exprime pas toujours clairement sa peur, mais elle utilise de plus en plus fréquemment un mot-symptôme : le ghetto. Elle craint deux choses différentes : d’une part, que de ces groupes ethniques migrants, dont elle subodore la force vitale, il advienne quelque danger au cas où ils s’étendraient, s’organiseraient et se structureraient davantage.Il est étonnant qu’en 1971, au siècle des sciences humaines, les sociologues ne dénoncent pas avec assez de force l’erreur que la société globale commet, constamment en broyant les équilibres ethniques et en croyant, comme l’opinion l’exprime couramment, qu’il faut les mélanger, raison d’un pour dix Français, afin d’éviter les ghettos et d’accélérer l’intégration. Mélange de qui ? Les migrants, lesquels ? (…) Il s’agit donc d’une colonisation que la société urbaine exerce sur ses membres. 

Petonnet, Colette. 1971.“Réflexions au sujet de la ville vue par en dessous.”